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Tamure Rhum - Hommes de Polynésie

Avec David, bienvenue dans l’incroyable aventure de Tamure Rhum

Publié le 2 décembre 2017

« Qui aurait imaginé que le modeste coolie qui descendait, à dos d’homme ses sacs de choux et ses paniers de pota1 aurait un fils qui serait à la tête d’une distillerie… »

La vie est parfois incroyable, elle peut réserver des surprises qui dépassent toute imagination. Hommes de Polynésie a rencontré David MOUX, un homme passionné par la canne à sucre, et le premier à l’avoir réintroduite dans le paysage polynésien au début des années 80.  En effet, en 1963, suite à la mise en place du Centre d’Expérimentation du Pacifique (CEP) qui a nécessité des moyens logistiques considérables, les exploitations agricoles de canne à sucre sont peu à peu abandonnées. David partage avec nous ses souvenirs d’une vie de labeur, d’efforts, de sacrifices, mais d’une vie qui a abouti à la concrétisation d’un de ses rêves : produire un rhum local de qualité avec la canne à sucre bio de Tahiti, le Tamure Rhum.

Au début : une difficulté surmontée qui se transforme en bonne idée

Tout commence lorsque Yann, le fils aîné de David, tombe malade, alors que David travaille au CEP. Âgé d’un an, sa température corporelle s’élève anormalement et devient source d’inquiétude pour David. Sa belle-mère, une demi-tahitienne de Raiatea prépare un « ra’au », un jus de plante locales, pour faire tomber cette fièvre. Parmi les ingrédients utilisés, des cannes à sucre pelées et pressées. Les maux de tête et la fièvre disparaissent après ingestion de cette décoction par Yann. Cet événement marquera le début de la passion de David pour la canne à sucre.

« Alors je me suis dit pourquoi ne pas faire de jus de canne à sucre pour donner aux enfants ? C’est plus simple ! On en a donc planté en 1982 sur 1000 m2 de terrain à Sainte Amélie à Papeete. Le jour je travaillais au CEP, la nuit, pour ma canne à sucre. »

Une première épreuve : les éléments naturels se déchaînent

En 1983, le cyclone Weena qui touche Tahiti et la Polynésie française, entraîne la destruction de sa plantation de canne à sucre. Le projet tombe à l’eau. Tout espoir semble balayé. Mais un an après, des jeunes pousses refont surface et en 1984, et le jus de canne à sucre est vendu au marché de Papeete.

« C’est un succès incroyable, en 1h, on a tout vendu. 1000 m2 cela ne devient plus assez. On en plante donc sur 4 hectares à Papara. »

Propriétaire d’un magasin de jus de canne à sucre à Punaauia, il constate que la canne à sucre est produite alors en trop grande quantité pour la consommation locale en simple jus. Pour résorber les stocks de canne à sucre, il vient à David l’idée de faire du rhum.

Une deuxième épreuve : le manque de connaissances

Quel est le processus pour faire du rhum ? David n’y connaît à cette époque absolument rien, et personne autour de lui ne semble pouvoir le conseiller.

« J’ai demandé aux Antilles. Pas évident. J’ai connu un représentant en arômes qui m’a dit d’aller faire un stage chez un ami à lui à Marie-Galante. La première fois, je n’étais pas très bien accepté par les Békés. »

Les Békés sont les habitants créoles à la peau blanche de la Martinique et de la Guadeloupe qui descendent des premiers colons européens. Ils sont très présents dans la filière agro-alimentaire puisqu’ « ils détiennent 90 % des entreprises», et possèdent l’expérience et les savoir-faire en ce qui concerne la production de rhum. En 1997, alors que le CEP est en phase de reconversion de ses employés pour travailler dans le civil, David demande à repartir à Marie-Galante faire un second stage qui sera pris en charge par l’armée.

« C’est monsieur Bielle, propriétaire de la distillerie Bielle à Marie Galante qui m’a demandé de faire un ahima’a2. J’ai dit oui alors que je ne savais pas vraiment faire. Il m’a présenté un tas de briques en guise de pierres volcaniques. J’ai fait un cochon mariné et mis au four. À midi on a ouvert le four. Suspens… Le cochon était doré et croustillant, au lait de coco. »

C’est un vrai coup de poker pour David qui se doit de réussir. Il décide de préparer aussi un poisson cru au lait de coco car les békés n’ont pas l’habitude d’en manger et se débrouille avec les moyens du bord. Son café au lait de coco plaît beaucoup.

« Ils ont vraiment aimé. David, si tu as un problème pour faire le rhum, tu nous demandes. C’est à partir de ce moment-là que l’entente s’est faite. »

Une troisième épreuve : le manque de moyens

Avoir une distillerie de rhum nécessite du matériel :

  • Une moissonneuse batteuse pour couper les cannes à sucre
  • Une presse à canne à sucre
  • Une colonne à distillation
  • Des cuves de fermentation / mélangeuses / de stockage
  • Un alambic
  • Des camions pour transporter la canne à sucre
  • Un tracteur
  • Des bouteilles de verre 
  • Des barils de 200 litres en fût de chêne

Bref, tout cela demande un investissement conséquent pour quiconque veut se lancer dans cette aventure. David ajoute :

« Aucune des trois banques dans les années 90 – 94 ne me prêtaient de l’argent. C’est juste maintenant avec mon fils. Alors je me suis serré la ceinture. Le jour je travaillais au CEP, la nuit à la maison pour le rhum. Et avec le salaire de ma femme aussi, on a acheté les machines. »

En 1992, David obtient l’autorisation de distiller. Il est alors à cette époque le seul à faire le rhum en Polynésie française. Petit à petit, les gens le connaissent. Cela fait 27 ans aujourd’hui qu’il produit du rhum.

« J’ai trois fils. Un qui vit à Brisbane dans l’armée australienne, un qui vit à Paris, courtier en bourse, et mon fils Rony qui me succède. Il a un BTS en comptabilité, a travaillé cinq ans dans une boîte de VRD et cela fait cinq ans qu’il travaille avec moi. Lui, il vise plutôt l’export, avec pour objectif la France et la Californie. »

Malgré tout, une production de rhum dont il est fier

Localement, David me dit que le « Tamure rhum » s’écoule bien. On peut le trouver dans les magasins Carrefour, Hyper U, au supermarché Cécile…

Voici la liste des « Tamure rhums » qu’il produit :

  • Rhum ambré 12 ans d’âge, vieillit en fût de chêne
  • Rhum ambré 3 ans d’âge 47° et Rhum ambré vanille 3 ans d’âge 47° 
  • Rhum blanc 47° et Rhum blanc 47° vanille
  • Rhum brun 45 °
  • Rhum blanc 38° et Rhum brun 38°, idéal pour la cuisine (punch, pâtisseries…)
  • Tamure dream : liqueur d’orange de Tamanu 45°
  • Tamure punch 22° à la vanille
  • Sirop vanillé
  • Mignonnettes : rhum ambré 3 ans d’âge 47° et rhum blanc 47°

Les rhums proposés sont de différentes qualités. Ce qui fait la spécificité du Tamure Rhum, c’est surtout qu’il est produit localement : la matière première n’est donc pas importée. C’est donc du rhum bien de chez nous.

En 2004, David remporte la médaille d’argent à la foire agricole de Paris pour son punch coco à base de rhum qu’il a baptisé « Petit Fiu ». En 2015, il sort un livre « QUOUNE SOU LANE ME REVOILÀ », une saga familiale sur sa famille depuis le début du siècle dernier.

Le sourire aux lèvres, malgré les taxes sur l’alcool qui sont de plus en plus lourdes à supporter, David m’explique : « Pourquoi le Tamure Rhum ? Parce que quand on boit, on fait le tamure ! »

« Dans la plupart des familles de la communauté chinoise, les anciens semblent ne pas aimer confier leur histoire à leurs proches. Peut-être par honte de dévoiler cette face difficile de leur vie de misère et de pauvreté ? Au contraire, il faut être fier de les avoir vaincus et d’avoir réussi dans la vie. »

À travers cette vie de labeur, le message que souhaite transmettre David c’est qu’il faut être persévérant, surmonter les échecs et ne jamais se décourager : avec passion, on peut faire de grandes choses !

Plus d'informations

Sur la page Facebook Tamure Rhum
Et sur Zuckoo.pf

1 Source : Wikipedia
2 Four tahitien

Tehina de la Motte
Rédactrice web

© Photos : Hommes de Polynésie

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