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Portrait

Jacques Navarro-Rovira : confessions intimes du plus primé des documentaristes du paysage audiovisuel polynésien (2/3)

Publié le 28 juillet 2019

C’est un « beau geste » que nous accorde ce diplômé d’ESSEC à l’origine de la société de production parisienne « Les Films du Sabre ». Un Lyonnais venu s’installer à Tahiti en 1995, qu’il connaissait déjà pour y avoir démarré en 1984 l’ICA (1). Il deviendra le producteur et réalisateur le plus primé du FIFO (2), festival né en 2004.  Hommes de Polynésie. a tenu à rendre hommage par une trilogie, à celui qui a édifié avec d’autres les bases de ce qui deviendra l’ATPA (3).

DEUXIEME PARTIE

LES FILMS DU SABRE

Jacques disposait de caméras 16mm et 35mm. Le vendredi soir avec ses amis, ils entraient dans un bistro pour écrire un scénario. Le samedi et le dimanche, ils choisissaient un lieu à Paris et partaient tourner leur film.

« C’était absolument formidable parce qu’on ne pensait plus qu’à ça ! »

En 1973, en 3ème année à l’ESSEC, Jacques et ses acolytes créent leur propre boite de production : Les films du Sabre.

« A l’époque il fallait s’appeler les films de quelque chose, c’était la tendance, comme la boite de Truffaut, c’était Les films du Carrosse. »

Avec le Crédit Lyonnais, ils obtiennent leur premier financement. De courts métrages en long métrage, de films institutionnels en émissions, l’entreprise tourne à plein régime.

« On a commencé à trois en ne se payant pas, 20 ans après en 1993, on était 80 – ce qui était exceptionnel pour une boite de production. »

Leur petite entreprise rachète des producteurs spécialisés ainsi que des dizaines de sociétés, et devient un groupe. Elle déménage une première fois ses locaux du premier étage d’une librairie du Quartier Latin pour les installer dans le 9èmearrondissement de Paris, avant d’investir dans un hôtel particulier de la Rue d’Armaillé, rue perpendiculaire aux Champs Elysées.

« On gagnait de l’argent, c’était les 30 glorieuses. Ensuite on a vendu cet hôtel particulier pour acheter quelque chose d’encore plus grand. Je gagnais à l’époque l’équivalent de 30 à 40 mille euros par mois ! »

Jusqu’au milieu des années 80, il y avait un enthousiasme incroyable. « Les Films du Sabre » était une référence, et Jacques, lui, était PDG de 5 boites.

« En grossissant je faisais beaucoup moins de films et plus de gestion. Canal + représentait 35% de notre chiffre d’affaires en téléfilms, émissions de flux, et j’ai été producteur exécutif de l’émission de Frédéric Mitterrand « Etoiles et Toiles ».

Et c’est avec le neveu du Président François Mitterrand qu’il vivra d’ailleurs une des expériences les plus marquantes de sa carrière.

ANECDOTE K.

1991, un vendredi matin, aux aurores, Jacques reçoit un coup de fil de Frédéric Mitterrand.

« Bonjour Jacques ! J’ai un chef d’Etat Arabe à interviewer dimanche. Son nom commence par un K., j’aimerais que tu viennes avec moi. »

Jaques comprend qu’il s’agit de Kadhafi. Le Général Libyen est la cible des médias après la vague d’attentats dont il est accusé, comme celui d’un avion UTA à bord duquel officiait une hôtesse polynésienne.

Une fois le combiné raccroché, le réalisateur sait que la course contre la montre a débuté. De Limousine en Jet privé, de tarmac en suites luxueuses, les voilà à Syrte sur une base militaire. Pour rappel, Kadhafi venait de perdre son fils, assassiné. Le bivouac n’était jamais installé deux nuits de suite au même endroit.

« Tu n’as pas le temps d’être effrayé, t’es dans un roman ! »

Ils roulent pendant deux heures dans le sable (en Mercedes quand même !) avant d’arriver devant une très grande tente en toile. Ils sont conduits à une autre tente, où deux sièges, une table et trois caméras les attendent. Jacques s’affaire au réglage quand tout d’un coup il voit arriver 12 femmes en treillis, une Kalachnikov sur le côté.

« C’était sa garde rapprochée, et lui-même était au milieu. »

Depuis son estrade, l’impressionnant chef d’Etat fait dire à son interprète :« Pas de gros plan ».

« Frédéric commence : « Je ne suis pas venu en ami…je ne suis pas venu en ennemi non plus ». Puis l’ITV de 2 heures a commencé, Ça a fait 30 secondes au JT sur la 2 ».

Mais l’aventure ne s’arrête évidemment pas là. Le lendemain matin, ils partent visiter Tripoli en voiture. L’avion était sur le Tarmac lorsque le commandant de l’avion privé pour Tunis contacte le vol d’Air France Tunis – Paris, pour prévenir qu’ils auraient du retard. Après une heure d’attente à bord, les passagers excédés voient embarquer Jacques et Frédéric.

« C’est le genre de truc que l’on n’oublie pas ! »

A Paris, son retour à la réalité passe par la rencontre d’artistes, tels que Serge Gainsbourg ou Jane Birkin. C’est l’époque des gros budgets et des films d’image de marque haut de gamme. Il en sera ainsi jusqu’en 1993, quand le Groupe Expand s’octroie 51% des parts du Groupe Sabre. Deux ans plus tard Jacques vend les siennes et part pour Tahiti.

TRAVERSE DU PACIFIQUE A LA VOILE

La première fois que Jacques foule le sol Polynésien, c’est en septembre 1973, après moultes rebondissements, sous le statut de Volontaire à l’Aide Technique. Le jeune VAT, dont la mère était la cousine germaine du directeur de l’hôtel Maeva Beach, était accueilli par sa famille une fois sur place. Il y restera 16 mois.

Puis, il revient pour des vacances en 1984 et se voit pressenti pour démarrer l’ICA, l’Institut de la Communication Audiovisuelle, une aventure locale qui va durer deux ans. Pendant ce temps-là à Paris, se construit un voilier de 15 mètres dont Jacques est le commanditaire. Un choix mûrement réfléchi.

En 1985 se tient un événement culturel majeur pour les peuples du Pacifique : le Festival des Arts. Cette année-là, c’est Tahiti qui est choisi pour l’accueillir, Nouméa étant en pleine crise politique. De nombreuses délégations font le déplacement à Pirae, salle Aorai Tinihau édifiée spécialement pour l’occasion. Parmi les participants, les Iles Mariannes, Tonga, la Papouasie Nouvelle Guinée…

Avec les techniciens de l’ICA, Jacques filme à l’aide d’un car vidéo les temps forts de cette assemblée polyculturelle. Il en fait des copies sur cassettes VHS qu’il embarque à bord de son voilier, pour les offrir aux membres de chacune des délégations des pays du pacifique qu’il allait traverser.

« Les gens étaient très heureux de se voir et cela m’a ouvert des portes. »

Jeanne Phanariotis
Rédactrice web

© Photos : Hommes de Polynésie

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