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Portrait

David ébéniste, luthier : « J’ai monté une scierie aux Marquises »

Publié le 11 mai 2018

Matériau naturel, généreux et noble, le bois est utilisé depuis la nuit des temps dans la construction, la fabrication d’objets, comme source d’énergie et dans bien d’autres domaines encore. Luthier, ébéniste et menuisier, David Fabre est un homme passionné qui a choisi de s’installer sur l’île de sa femme, à Hiva oa, aux Marquises, pour y travailler certaines essences.Hommes de Polynésie est allé à sa rencontre.

UN APPRENTISSAGE PARTICULIER

Originaire du sud-ouest de la France, David est bercé dans le milieu des entreprises depuis qu’il est tout jeune. Son beau-père de l’époque est à la tête d’une grosse entreprise de services pour l’énergie et les communications.

« J’ai eu mon bac C, scientifique, à 18 ans et j’ai fait l’armée 2 ans. Après ça je voulais travailler avec mes mains et construire des guitares. Trop âgé pour intégrer une école de luthier, je me suis dirigé vers l’ébénisterie. »

David intègre alors l’association ouvrière des Compagnons du Devoir et du Tour de France.

 « Ils m’ont pris après avoir fait un CFPA d’ébéniste en Alsace en contrat de qualification, le premier en France. »

Suivant les traditions du compagnonnage dont le slogan est « Soyez de ceux qui construisent l’avenir », David est formé et devient apprenti en ébénisterie trois ans durant au cours desquels il obtient son CAP d’ébénisterie. L’esprit d’ouverture et de partage, les voyages de ville en ville et d’entreprise en entreprise, plaisent à David qui travaille alors en Alsace, à Bordeaux, à la Rochelle afin de se perfectionner.

LE TRAVAIL DANS LES HOTELS DE POLYNESIE

Polyvalent et expérimenté, David arrive à Tahiti à 25 ans. Avec des collègues, il construit la première agence Air Tahiti Nui au Pont de l’Est.

« Je suis venu aux Marquises pour faire les hôtels en 99, j’avais 28 ans. La vie aux Marquises, c’est parfait. J’y ai rencontré ma femme Sandra. »

Avec Sandra, David part vivre à Raiatea – Tahaa et travaille dans une boîte pose et finitions dans les hôtels.

« J’ai monté les charpentes de la gare maritime de Raiatea. Ensuite, le travail n’a pas manqué, j’ai eu jusqu’à 17 employés au Tahaa Pearl Beach (relais Châteaux). Quand je faisais des hôtels, la mentalité ne me plaisait pas. Ma femme était fiu. »

David connaît alors une ascension fulgurante, travaille du dimanche au dimanche, est en projet de contrat sur plusieurs hôtels… L’argent rentre, mais pour lui, c’est comme un empoisonnement. Du jour au lendemain, sa femme ne le suit plus.

« A un moment, Sandra m’a dit qu’elle allait rentrer aux Marquises. Je ne voulais pas faire comme beaucoup de gens, changer de femme quand tu réussis dans un business. J’ai eu du mal à trouver une femme que j’aime et qui m’aime. J’ai dit au gars, après cet hôtel-là, j’arrête. »

David choisit de suivre sa femme et leur fille aux Marquises. Mais étant encore en contrat sur constructions d’hôtels, il se retrouve criblé de dettes, poursuivi en justice. Le prix à payer pour avoir mis sa famille en priorité.

LA FABRICATION DE GUITARES

« Je voulais devenir luthier pour faire des guitares. Autodidacte, j’ai commencé à en fabriquer dans mon salon dès que j’ai su travailler le bois. Quelques années plus tard j’ai représenté la France en tant que luthier au salon de la guitare de Montréal au Canada en 2012. »

Des guitares, David en vend régulièrement. La dernière, à la bassiste du groupe Naïve New Beaters.

« Je me suis lancé au salon Made in Fenua. J’ai progressé en présentant mon travail aux musiciens du fenua, à ceux de passage et bossé avec le collectif Tahiti Rock. Tout ça des Marquises. »

A Tahiti, David rencontre la grande artiste et guitariste Valérie Duchâteau, éditrice de magazines de guitares.

« Elle flashe sur mes guitares qui sont faites avec du bois 100% local. Bois de l’arbre à pain, bois de fer, bois de rose, bois de tamanu, ça plaît. »

David ne souhaite pas acheter et faire venir du bois d’ailleurs.

« Pour cela il fallait une scierie. Le débit des bois de guitare est particulier. »

© Henri Martin

David achète alors une scierie, une scie à grumes, qu’il fait venir du Canada.

« Cela me permettait d’avoir du bois, sans ça c’était impossible à trouver. L’histoire de la scierie est venue par la guitare. »

L’AVENTURE DE LA SCIERIE

Par la suite, David et Sandra souhaitent construire leur propre maison et David utilise alors leur scierie.

« J’ai demandé au SDR 70 m3 de bois dans les bois près de l’aéroport. On m’a proposé 200 m3 de bois de pin, juste pour voir comment se passait l’exploitation. Le SDR cherchait des gens qui puissent se lancer dans des projets comme ça. »

Sa maison, David la réalise avec très peu de moyens et de personnel. Cela crée une petite dynamique.

« Tous mes copains marquisiens sans emploi et sans diplôme sont des mecs bien. Je me suis dit qu’il y avait moyen de créer de l’emploi. »

David souhaite monter une coopérative de bois sur Tahiti pour répondre à de gros marchés et pour que les particuliers puissent avoir du bois local. Il a pour idée de faire des produits finis tels que du parquet, du lambris, des kits de maison. Aujourd’hui, il embauche 6 personnes dans sa scierie.

« C’est un stress pour moi, tous les mois je dois trouver 1,5 million. Pour l’instant ça va. Dès fois, je complète avec les guitares. Je ne prends quasiment pas de salaire. L’idée c’est de créer quelque chose qui génère de l’emploi. »

Aujourd’hui, David y va petit à petit pour que la scierie devienne rentable. Les conditions de travail sont dures, mais il sait qu’il devra faire du volume avec l’aide d’une coopérative.

« Ici, il y a 720 ha de forêt à travailler dans des conditions que quasiment personne ne voudrait. »

Et plus que tout, il est fier de sa femme Sandra qu’il a encouragé à s’épanouir dans le business qu’elle a monté, le Yacht Service.

« Tous les deux on a notre business. C’est un bon équilibre. Elle a bien assuré, au bout de 16 ans. Je ne regrette pas mon choix. La famille d’abord. »

Plus d'informations

Tehina de la Motte
Rédactrice web

© Photos : Hommes de Polynésie, Henri Martin

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