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Jean, océanographe et navigateur

Jean, océanographe et navigateur

Publié le 28 mai 2018

Jean Pellissier, océanographe de formation, a fait partie de l’expédition des radeaux Tahiti-Nui II et III du Chili jusqu’à Tahiti. À la fin des années 50, afin de prouver les qualités de navigation traditionnelle à la voile, il a traversé le Pacifique en radeau aux côtés du célèbre navigateur français Eric de Bisschop qui perdra la vie lors de cette expédition (1891-1958) et de Francis Cowan (1929-2009), « le marin polynésien le plus authentique de l’histoire contemporaine ». Hommes de Polynésie a rencontré ce passionné du « grand bleu » et de la navigation traditionnelle polynésienne qui vit à Moorea.

Montrer au monde entier les qualités de navigation à voile traditionnelle des Polynésiens

L’histoire de cette traversée est un véritable roman d’aventure. En 1956, Jean Pellissier, jeune océanographe d’une vingtaine années, se trouve au Chili pour une conférence scientifique. Il fait alors la rencontre de Francis Cowan, grand navigateur tahitien, qui vient de s’échouer sur Tahiti Nui I au large du Chili avec Eric de Bisschop après leur première traversée en radeau à voile à partir de Tahiti.

Inspiré par Thor Heyerdhal, leur but était de prouver les qualités de navigation hauturière des radeaux à voile traditionnels des polynésiens capables de remonter au vent contre les alizés de la Nouvelle-Zélande jusqu’à l’île de Pâques. Ils veulent reconstruire un radeau à voile et repartir dans l’autre sens (vers l’ouest) et demandent à Jean Pellissier de venir avec eux.

L’équipage la veille de leur départ. Jean Pellissier à droite ; Eric de Bisschop au centre.
L’équipage la veille du départ. Jean Pellissier à droite, Eric de Bisschop au centre.

« J’avais un bon boulot, je connaissais les risques de navigation étant océanographe. Mais j’étais jeune et j’avais soif d’aventure. J’ai dit oui, sans hésiter. »

Le radeau Tahiti Nui II est construit dans le port de Constitucion au Chili. L’équipage part le 15 février 1958 en direction des Marquises. Au début, malgré le froid et des conditions de vie rustiques, la navigation se passe plutôt bien. Mais l’embarcation connaît des problèmes de flottabilité à cause des tarets, les termites des mers, qui rongent le bois de la coque.

« On était sur le point de couler. On a alors décidé de démembrer l’embarcation pour faire un radeau de fortune avec les pièces en bois encore saines. Tahiti Nui III est né. »

L’équipage est sain et sauf. Toutefois, le radeau de fortune se révèle difficile à manœuvrer. L’équipage ne parvient pas à rallier les Marquises et continue sa route vers l’Ouest, jusqu’aux îles Cook.

« Notre dernière chance, c’était les îles Cook. Après c’est l’Australie, 5 000 km plus loin. »

Le 30 août 1958, le radeau fait naufrage sur les récifs de Rakahanga dans les îles Cook et chavire violemment. Le capitaine, Eric de Bisschop, se blesse mortellement à la tête. Le reste de l’équipage survit et récupère pendant un mois à Rakahanga. L’expédition se termine tragiquement. Mais Eric de Bisschop a réussi son pari : l’équipage est parvenu à rallier la Polynésie à partir du Chili sans assistance extérieure.

Redonner envie aux jeunes polynésiens de reprendre la navigation à voile traditionnelle

Aujourd’hui, Jean Pellissier dresse un constat sans appel :

« Francis Cowan était un navigateur hors pair, il savait s’orienter grâce aux étoiles et aux oiseaux. Malheureusement, il existe très peu de navigateurs qui ont gardé ces qualités ancestrales de Polynésie. »

Il existe de très bonnes initiatives comme celle de Fa’afaite qui œuvre au développement de la navigation traditionnelle Ma’ohi. Mais il faut aller encore plus loin selon Jean Pellissier.

« Je rêve que les jeunes polynésiens reprennent goût à la voile traditionnelle autant que pour le va’a. »

La voile traditionnelle, un vecteur culturel pour promouvoir la culture Ma'ohi et protéger le fenua

Il est nécessaire que les pouvoirs publics promeuvent dans les écoles la navigation à voile traditionnelle et aident ces associations de la société civile qui tentent de redonner du souffle à la voile ma’ohi. Pour Jean Pellissier, la dimension maritime est toujours inhérente à la culture polynésienne, mais trop souvent, le bateau à moteur a damé le pion à la voile traditionnelle.

La navigation hauturière à voile est cruciale dans l’histoire des migrations des peuples du triangle polynésien. Jean Pellissier estime que l’oubli de cette dimension dans la culture polynésienne aurait pour effet d’occulter un pan entier de l’identité polynésienne.

Enfin, l’océanographe de conclure :

« La voile apprend aussi à respecter l’environnement et la nature. Au 21ème siècle, alors qu’on s’apprête à aller sur Mars, on n’est pas capables de nettoyer le soi-disant Continent de Plastique. Réveillons-nous ! »

Plus d'informations

Avec le livre L’odyssée des radeaux Tahiti Nui II et III (Ura Editions Tahiti)

G. C. 
Rédacteur web

© Photos : Jean Pellissier

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