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Art & Culture

Matahi fabrique des ukulélés hawaïens à Tahiti, Polynésie française

Matahi, des ukulélés hawaïens made in fenua

Publié le 24 octobre 2017

Matahi nous donne rendez-vous à Faa’a, dans son atelier qui jouxte son lieu d’habitation. Partout autour de nous, du bois : tronçons, plaques, copeaux, tables, objets divers et variés… Pas de doute, nous sommes bien arrivés dans le lieu de travail de ce jeune homme, créateur et fabriquant de ukulélés hawaïens. Calme et posé, il livre à Hommes de Polynésie son parcours, sa passion du bois, des ukulélés, et nous explique les processus de fabrication. Découverte d’un métier peu connu et pourtant ancré dans la tradition ma’ohi1… 

« C’est ça le plus important, faire ce qu’on aime, tu sais où tu vas. »

Telle est aujourd’hui la philosophie de vie de Matahi, passionné par son métier. En 2010, il décroche son baccalauréat marketing au lycée Paul-Gauguin de Tahiti. Ce que le jeune homme souhaite, c’est exercer un métier artistique, mais il ne sait pas encore lequel.

« Je dessinais, mais je ne savais pas trop quoi faire. »

Il décide de tenter sa chance au centre des métiers d’art et réussit le concours d’entrée pour une formation de sculpteur sur bois. Matahi est diplômé en 2013.

Il fait alors des petits boulots mais nous confie :

« C’est pas trop mon truc d’être sous les ordres de quelqu’un, j’avais besoin de faire autre chose. »

Le déclic vient un jour qu’il travaillait chez un fabriquant de rame, qui lui pose alors une question fondamentale :

« Moi je fais des rames parce que je rame. Et toi ? Pourquoi tu fais des rames ? »

Cette phrase lui reste en mémoire et le fait réfléchir. Il aime jouer du ukulélé depuis une quinzaine d’années, préfère le son et le style de cet instrument hawaïen et découvre qu’il y a peu de fabricants à Tahiti. Matahi décide alors de les créer lui-même. Il nous confie en riant s’être formé sur Google. Mais sa formation de sculpteur sur bois lui a donné les bases nécessaires au travail de façonnage et d’assemblage des différentes pièces du ukulélés, qu’il fabrique dans son atelier depuis maintenant trois ans.

En décembre 2016, il ouvre sa patente pour vendre ses ukulélés. Ora Ukulele est né. « Ora » signifie « la vie » en tahitien. Car pour Matahi :

« La musique, ça apporte de la vie, on peut vivre sans musique mais bon… »

Le bois, matière première des ukulélés

Matahi a beau fabriquer des ukulélés hawaïens, il n’en utilise pas moins des produits made in fenua2 et notamment du bois local, qu’il souhaite valoriser à travers ses créations.

Comment récupère-t-il cette matière première, indispensable à la fabrication des ukulélés ? Il fait appel à des bûcherons ou va lui-même chercher le bois. Une fois les tronçons récupérés, il les envoie dans une scierie, puis les redécoupe dans son atelier. Le temps de séchage est long : entre 1 et 2 ans.

Matahi utilise plusieurs bois différents en fonction du résultat souhaité : le marumaru3 et le manguier sont les plus courants. Le manguier est très utilisé car a une bonne résonnance. Le jeune homme utilise aussi parfois des essences nobles, plus difficiles à trouver, comme le tou4 et le miro ou bois de rose océanien. Chaque bois a un son différent et certains développent des champignons, qui donnent ensuite les « dessins » ou les « tracés » sur le bois séché et travaillé.  

« Je fais deux modèles de ukulélés différents pour le moment. »

Le Ténor, un ukulélé en forme de guitare d’une taille précise5 ; et le pineapple, « ananas » en anglais, dont il a la forme. Ces deux modèles ont eu aussi des sonorités différentes.

Mais Matahi ne crée pas uniquement les ukulélés, il les répare et les restaure aussi.

« En ce moment, je répare un ukulélé marque Kamaka qui a plus de 30 ans. Il est tombé dans l’eau et est resté dans le lagon pendant environ 1 heure. Il avait été réparé avec du formica et de la colle Époxy, il y a du travail dessus ! »

D’ailleurs, pourquoi appelle-t-on souvent les ukulélés hawaïens des Kamaka ? Matahi nous donne la réponse : il s’agit de la première marque de ukulélés de ce type, apparue en 1916, souvent fabriqués en koa, bois hawaïen d’une variété d’acacia.

La fabrication du ukulélé hawaïen

Pour comprendre la fabrication du ukulélé hawaïen, il faut déjà différencier cet instrument du traditionnel ukulélé tahitien. D’abord par la forme, puisque le ukulélé hawaïen se base sur la même fabrication que la guitare, en version miniature. Le ukulélé tahitien, lui, a une forme beaucoup moins ronde. Ensuite par le son, puisque les sonorités, qui découlent de la forme, sont forcément différentes.

Matahi nous propose une démonstration, en version accélérée, du processus de fabrication d’un ukulélé hawaïen :

1/ Le jeune homme commence par les éclisses, ce sont les côtés de l’instrument. Ils prennent leur forme arrondie grâce au fer à cintrer, qui chauffe le bois et lui permet de se courber. Matahi fabrique lui-même les moules, en bois, qui lui permettent d’avoir la bonne forme.

« Quand on fait ce métier-là, on est parfois obligé de créer ses propres outils. »

2/ Matahi s’attaque ensuite à la table d’harmonie, c’est à dire la plaque au-dessus du ukulélé, qu’il découpe à la bonne forme.

3/ Il assemble la table d’harmonie et les éclisses pour créer le corps du ukulélé, puis ajoute la table de fond (la plaque sous l’instrument).

4/ Ensuite, il crée le manche, qui peut être fabriqué avec n’importe quel bois, il suffit juste qu’il soit assez résistant.

5/ Sur le manche, Matahi travaille la table de fret ou la touche (partie où se font les notes de musique). Pour cela il utilise des instruments précis, certains achetés aux États-Unis.

6/ Puis, vient l’assemblage du corps et du manche.

7/ Matahi vernit enfin tout le ukulélé pour lui donner son aspect définitif, avant d’ajouter les cordes, les clés et d’effectuer les derniers réglages.

« Je fabrique en moyenne deux ukulélés par semaine. Un ukulélé demande entre 10 et 20 heures de travail en fonction du modèle, avec les temps de séchage. C’est pour ça que je peux travailler sur plusieurs ukulélés en même temps. »

En nous faisant découvrir son métier, manuel et créatif, Matahi nous prouve que fabriquer des ukulélés demande un véritable savoir-faire, de la rigueur et beaucoup de patience. Le résultat ? Des instruments aux formes harmonieuses, aux sonorités parfaites, qui vous donneront sûrement envie de tester et d’apprendre le ukulélé hawaïen !

« Un de mes projets, ce serait de vendre mes ukulélés à l’international. »

Souhaitons donc à Matahi que sa passion le porte et lui permette de réaliser tous ses projets, afin de faire rayonner le talent de ce jeune créateur à travers le monde.

Plus d'informations

Vous pouvez contacter Matahi par Facebook sur sa page Ora Ukulele ou au 89 75 10 96.

1 Ma’ohi : peuple polynésien

2 Made in fenua : fabriqué en Polynésie

3 Marumaru : Arbre des avenues ou Arbre à pluie, arbre d’ombrage originaire d’Amérique tropicale.

4 Tou : arbre présent dans tous les archipels de Polynésie, son bois est très prisé en ébénisterie car il se travaille facilement.  

5 Il existe plusieurs tailles de ukulélés hawaiien : soprano, concert, ténor, bariton (du plus petit au plus grand).

Camille Lagy
Rédactrice web

© Photos : Hommes de Polynésie

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