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Art & Culture

Aldo alias « Baby K pone »

Publié le 25 février 2019

Au pays du ori tahiti et des chansons d’amour qui vantent les beautés de nos îles, il a su imposer un style de musique inattendu au fenua : le rap, et le mettre à la sauce locale avec beaucoup de succès. Aldo Martinez, également connu sous le nom de Baby K Pone, raconte son parcours à Hommes de Polynésie

Aldo est le fruit de l’amour entre une mère polynésienne originaire de Huahine et un papa pied-noir né au Maroc, qui était militaire. Sa maman était enceinte de lui en Polynésie mais il est né à Toulon il y a 36 ans, où il passe ses douze premières années avant de rentrer définitivement au fenua.

 «la première année à Tahiti a été difficile. Je n’avais qu’une envie : retourner en métropole pour retrouver ma grande sœur et mon grand frère»

Il lui a fallu un temps d’adaptation à Aldo pour se fondre parmi les adolescents polynésiens, mais, passé ce délai il découvre une jeunesse qui, dit-il, avait beaucoup moins de vices que lui, qui débarquait de La Seyne-sur-Mer. Il sentait un décalage entre sa vie dans le sud de la France et Tahiti.

Aux yeux de certains de ses copains tahitiens, c’est comme si un petit voyou de Harlem débarquait parmi eux. Décalage dans la scolarité mais aussi dans certaines attitudes comme le fait de ne pas aller en classe quand un cours le « saoûlait », ou de faire des bêtises comme mettre de la colle sur la chaise des profs !

«je voyais bien que dans la connerie j’avais un temps d’avance sur les autres»

Il lui a donc fallu s’adapter pour devenir le plus polynésien possible et faire plaisir à sa mère.

LE MONDE DE LA RADIO SE PRESENTE

Adolescent, c’est par un stage à Radio Maohi que l’aventure radiophonique d’Aldo commence. Il a 18 ans et c’est les vacances scolaires. Un stage sans arrière-pensée qui lui vaut immédiatement d’être l’assistant de l’animateur.

«j’ai commencé en lisant les dédicaces des auditeurs et en répondant au standard téléphonique ou en allant chercher les C.D.»

Aldo était encore en terminale au lycée Taaone quand il est titularisé à la radio. Il se retrouvait à l’antenne entre 18 et 22 heures tous les jours, après avoir fait ses devoirs. C’était une époque dont il se souvient avec nostalgie puisque le fait de parler à la radio lui apportait une certaine popularité, tout le monde se demandant qui se cachait derrière la voix de ce petit jeune.

Mais le directeur de l’époque, Franck Levaudy, lui avait mis la pression en lui faisant comprendre que s’il ratait son bac, il serait retiré de l’antenne…. Et il a eu son Bac, se retrouvant dans l’équipe d’animation de cette radio qui faisait aussi et surtout de la propagande politique. Un aspect qu’Aldo n’apprécie pas du tout, car les responsables politiques de ce média débarquaient à tout moment et exigeaient d’avoir immédiatement l’antenne, sans se soucier des horaires ou de la grille de programmation.

«on avait droit à de la diarrhée politique pendant des heures et nous on était les techniciens qui étaient là seulement pour actionner les boutons et ouvrir les micros. Je n’ai pas aimé ce monde-là, avec des gens souvent arrogants »

Mais la radio a permis à Aldo de baigner dans le monde de la musique. C’est d’ailleurs l’aspect le plus sympathique qu’il reconnait dans la personnalité de Jean-Christophe Bouissou, fondateur de Taui FM, qui aimait bien son travail et avec qui il avait des échanges intéressants sur la musique.

Aldo a participé à la création de Taui FM, étant même la première voix au micro de cette nouvelle radio. Une aventure qui ne s’est pas bien terminée mais dont il tire des enrichissements personnels qui lui ont servi pour le reste de sa carrière.

«le monde des médias en Polynésie est très particulier. C’est pire qu’au Monopoly, c’est plein de vipères et de jalousies»

Aujourd’hui, Aldo fait les beaux jours de Tiare FM, la radio partenaire de Radio1, et il aime son métier dans une équipe qui est soudée. Il est content d’aller bosser tous les matins. Il fait enfin ce qu’il a toujours eu envie de faire, se régalant d’enchaîner des invités venant d’horizons différents : un jour Petiot, le lendemain avec Balik de Danakyl, puis une association caritative…

«Je reçois des musiciens dont j’écoutais les disques à la maison, je m’éclate, et j’espère que ça plait aux auditeurs. Dans la rue, il m’arrive de croiser Gabilou et c’est lui qui me salue de loin ce qui rend très fière ma maman»

Aldo se sent mieux dans l’univers de la musique locale que dans la ligne plus métropolitaine de Radio1. Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui il fait du rap qu’il n’apprécie pas toutes les musiques locales et il le fait sentir dans sa programmation.

«Tant qu’une musique me fait frissonner, j’aime bien. Il faut mettre ses goûts personnels de côté et essayer de faire plaisir à un maximum d’auditeurs. Je me suis toujours dit qu’en faisant plaisir aux autres, on en sort toujours gagnant»

DEVENIR MUSICIEN ET CHANTEUR

Aldo a toujours écrit des textes de rap, depuis l’âge de dix ans en tout cas.

«A La Seyne-sur-Mer, dans la cité, quand tu as 10 ans, si tu dis que tu écris des poèmes, tu te prends des baffes. Et c’est mon grand frère qui m’a fait découvrir le rap»

Aldo partageait la même chambre que son grand frère, qui écoutait sa radio, regardait sa télé, et il ne faisait que suivre en tant que petit frère de sept ans plus jeune. C’est ainsi qu’Aldo découvre les idoles de son frangin : Public Enemy ou De La Soul, les groupes de rap américains. Puis les cassettes des tous premiers Iam et NTM. Aldo est enchanté de voir que des artistes parlent comme lui, font de la poésie de rue.

«Entre temps, mon grand frère a fait une carrière de militaire, et il ne pouvait pas imaginer que son influence musicale m’emmènerait si loin… Quand je m’ennuie, j’écris… j’ai plein de cahiers à la maison, qui sont remplis de conneries»

C’est la rencontre avec Karlite qui a tout déclenché. Auparavant Aldo avait une chanson : «sale gosse du fenua», conçue un peu confidentiellement, dans le cadre de son émission de radio et le morceau, qui a eu un succès inattendu, avait été repéré par Karlite qui lui propose de faire une chanson ensemble.

«Pour continuer dans le délire, je lui dis pourquoi pas ?»

Et c’est ainsi que Fenua Style est né. Aidés par le regretté bassiste de Dum Dum Sound System pour la partie musicale, l’aventure commence entre les deux hommes qui deviennent amis, ayant plein de valeurs en commun. Ils enregistrent comme ils peuvent.

DE RENCONTRE EN RENCONTRE, LE CODE 9.8 SE FORME

L’aventure Fenua Style dure une dizaine d’années au cours desquelles de nouvelles rencontres se font naturellement dont celle de Weston, puis Teriitua, un excellent chanteur reggae… C’est Weston qui a l’idée de monter un collectif pour regrouper plusieurs artistes et musiciens qui ont le même feeling même s’ils viennent de différentes influences musicales. Le code 9.8 était né, intégrant même la jolie voix féminine Herehia, la chérie de Aldo qu’il a connu quand il avait vingt ans.

«Tout ce qu’on a fait avec le code 9.8 n’était pas calculé. Cela s’est fait au fur et à mesure, au fil des rencontres et aujourd’hui on en est à notre deuxième album»

Aldo insiste sur le fait qu’il n’a pas monté un groupe pour gagner de l’argent, mais plutôt pour le plaisir mais en le faisant de manière professionnelle.

LA POLEMIQUE AUTOUR DE LA CHANSON «PAKALOLO»

Les artistes sont souvent marqués par une chanson qui leur colle à la peau plus qu’une autre. Dans le cas d’Aldo, c’est la chanson «pakalolo» qui lui a valu beaucoup de remarques et de critiques.

«On me disait que d’un point de vue pédagogique je n’avais pas de quoi être fier de cette chanson. C’est un titre écrit parmi tant d’autres et en effet je ne tire aucune fierté d’entendre un gamin chanter cette chanson par coeur. Sauf que quand je l’ai écrite, je ne pensais pas à ça  !»

Le but de cette chanson était de dédiaboliser le paka. Sa maman n’était pas fan de ce morceau, elle qui est farouchement anti-paka. Mais Aldo assume et évoque des chansons américaines bien pires que l’on fredonne bêtement sans comprendre le sens des paroles. Aldo qui est aussi membre actif fondateur de THC (1) qui milite pour l’utilisation thérapeutique du cannabis sans inciter à la consommation pour la  «défonce».

Au passage, il ironise sur l’hypocrisie ambiante tolérante avec la consommation d’alcool qui fait d’énormes ravages dans trop de familles polynésiennes. L’alccol, une drogue légale… qui, selon Aldo, a tué la Polynésie.

«Mais le code 9.8 s’est fait connaître par une chanson positive»

Heureusement, le rap peut aussi véhiculer des valeurs positives et c’est le cas de «messagers de l’espoir», avec un clip réalisé en présence d’enfants. Une chanson reprise dans une école, réarrangée de manière originale.

LE CODE 9.8 SUR SCENE ET LES PROJETS

Le groupe refuse d’aller chanter trois heures dans les bars, comme beaucoup de groupes font, car il y aurait forcément des reprises et ce n’est pas le style du code 9.8. Ils préfèrent des scènes occasionnelles devant un vrai public de fans.

Le deuxième album est sur le point de sortir, sous forme digitale, sur les plates-formes de téléchargement car une sortie sur C.D. devient un investissement compliqué. Et chacun est libre dans ce collectif, certains iront sans doute faire leur carrière solo, avec la bénédiction des autres.

Aldo ne se sent pas légitime pour donner des conseils à la jeunesse polynésienne car il a fait énormément de bêtises étant gamin, et il veut encore faire ses preuves. En revanche, pour reprendre le titre de sa chanson, il est aussi un messager de l’espoir :

«même si tu es le dernier des bons à rien, il n’est jamais trop tard. Comme un ballon de basket, tu pourras toujours rebondir !»

Celui à qui l’on disait qu’il n’arriverait à rien dans la vie pense qu’il n’y pas de fatalité. Même si on dit qu’un âne ne fera jamais un cheval de courses, Aldo estime qu’il n’y a pas d’âne au départ, il n’y a que des poulains qui grandissent peut-être moins vite que d’autres.

«je ne sauverai pas la planète, mais si je peux aiguiller deux ou trois jeunes dans le bon chemin, j’aurai gagné !»

Aider c’est d’ailleurs ce qu’il a fait bénévolement (alors qu’on lui proposait d’être rémunéré pour cela) en allant voir des détenus à Nuutania, des mineurs, dont l’un d’entre eux a gardé contact avec Aldo, qui a maintenant un travail et qui vient d’avoir un enfant.

Une démarche dont Aldo est fier et une expérience qu’il a pu faire grâce à la musique. Modeste et humble, Aldo, en guise de conclusion, veut surtout, à défaut d’être un modèle, avoir l’image d’un grand frère pour les jeunes et les ados de Polynésie.

(1)Tahiti Herb Culture

Laurent Lachiver
Rédacteur web

© Photos : Laurent Lachiver, Page facebook Aldo 

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